Livre blanc et peur française de la Chine
A sa lecture, le Livre blanc s’avère à la fois passionnant
et dangereux. Passionnant parce qu’il détermine une rupture dans la vision de
la sécurité globale et une réorganisation profonde de l’Etat dans ce domaine.
Dangereux, parce que tout ce qui sera fait ou dit dans le domaine de la
sécurité pourra être confronté à ce document validé pour le président de la
République.
Cela commence dès aujourd'hui avec les relations franco-chinoises.
Malgré de fortes tensions en avril entre les deux pays à la suite de
l'intervention de l'armée chinoise contre des manifestations au Tibet et lors
des perturbations survenues lors du passage à Paris de la flamme olympique, le
président de la République, en tant que représentant de l’Europe, sera présent aux
jeux olympiques de Pékin, et ce malgré le boycott chinois depuis de nombreuses
semaines. La France est aussi insultée cette semaine par les propos virulents
de l’ambassadeur chinois à Paris au sujet d'une possible rencontre entre M.
Sarkozy et le dalaï-lama, en visite en France entre le 12 et le 22 août. La Chine intervient donc avec arrogance
dans les affaires intérieures de la France.
Comment expliquer donc cette attitude qui ne s’applique qu’à
la France et non aux autres Etats (Etats-Unis, Royaume-Uni…) ?
Serions-nous le maillon faible de l’Occident ciblé par un régime autoritaire et
avide de puissance grâce à notre étrange mansuétude, sinon grâce à notre
aveuglement ? La patrie des droits de l’homme serait-elle un tigre de
papier pour la Chine bien qu’elle ait rédigé dans son Livre blanc un grand
paragraphe sur ces droits.
Or, le Livre blanc constate bien une modification
de la « puissance mondiale »,
« au bénéfice de l’Asie ». La
Chine est identifiée comme cherchant « de
nouvelles sources d’approvisionnement sur l’ensemble de la planète. Concurrence
et peut-être conflits pourraient résulter de tensions trop fortes et non régulées ».
Par ailleurs, « La Chine poursuit la
modernisation de ses équipements ». Le Livre blanc déclare
aussi : « En Asie, des risques de conflits non
résolus, liés à l’Histoire, sont susceptibles de porter atteinte à grande
échelle, s’ils ne sont pas prévenus, à la sécurité internationale : ainsi la
question coréenne, celles de Taiwan et du Cachemire. (…) Ces risques sont préoccupants ». Il
constate le déplacement progressif du centre de gravité stratégique vers
l’Asie. (…) « L’Asie est aussi, en effet, l’une des zones
principales où pourraient s’exprimer des rivalités ou des conflits susceptibles
de déstabiliser le système de sécurité internationale. ». ll est
précisé « le déclin relatif des
puissances occidentales » notamment au profit de la Chine malgré le
rejet dans le discours officiel des déclinologues.
Donc la France voulant par son Livre blanc préserver sa
puissance et son rang pour le futur s’abaisse aujourd'hui, sans honte, devant
la Chine. Mais pour quel gain ? Veut-elle mettre en œuvre l’éventuel futur
« Livre blanc européen en matière de défense et de sécurité »
qui pourrait « comprendre, en accord
avec nos partenaires (…) un réexamen
de l’évolution des grands pôles de puissance dans le monde, prenant notamment davantage en
compte l’affirmation de l’Asie (…). N’est-ce pas seulement l’inquiétude sinon
la peur devant une puissance qui la supplantera demain si on la laisse faire ?
La position de la France aujourd'hui et les réflexions du
Livre blanc sur la place de la Chine validée par l’exécutif paraissent donc bien
paradoxales. En sera-t-il de même pour les autres orientations du Livre
blanc ? A ce titre, la comparaison pourrait est bien être dangereuse pour
sa crédibilité.