Quelle liberté d'expression pour les militaires au XXIe siècle?
Vive
Surcouf !
Félicitons donc ces officiers généraux et supérieurs du
groupe Surcouf. A l’évidence, le faire d’une manière anonyme était une sage
précaution. Cependant la réaction ministérielle est grave.
Se référer au devoir de réserve comme l’a fait le
ministre de la défense montre une certaine méconnaissance du nouveau statut des
militaires. Depuis le 23 mars 2005, c’en est fini de la République d’antan sur
la limitation du droit d’expression. Le ministre, surtout parce qu’il a fait
partie de la commission de la défense nationale, doit aussi assumer la rupture
jusqu’au bout. L’exercice des droits civils et politiques du statut général des
militaires est précisé dans son article 4 « Les opinions ou croyances,
notamment philosophiques, religieuses ou politiques, sont libres. Elles ne
peuvent cependant être exprimées qu’en dehors du service et avec la réserve
exigée par l’état militaire. Cette règle s’applique à tous les moyens
d’expression. (…) Indépendamment des dispositions du code pénal relatives à la
violation du secret de la défense nationale et du secret professionnel, les
militaires doivent faire preuve de discrétion pour tous les faits, informations
ou documents dont ils ont connaissance dans l’exercice ou à l’occasion de
l’exercice de leurs fonctions. (…). Les militaires en activité qui se sont
exprimés n’ont nullement violé le secret de la défense nationale ou fait preuve
d’indiscrétion. Ils ont simplement fait connaître leur opinion en tant que
citoyens et militaires. Les lois de la République s’appliquent à tous … y
compris dans le respect de leurs droits. Que le ministre les ayant peut-être
identifiés veuille les sanctionner, certes, mais il n’est pas douteux qu’un
recours soit déposé et gagné. En revanche, nul doute que le jeu de l’avancement
et des mutations sera autant de moyens détournés pour sanctionner ces officiers
courageux d’une manière indirecte « pour le bien du service ». Espérons
que la hiérarchie militaire et les parlementaires sauront contrer ces atteintes
détournées à la liberté de s’exprimer.
Enfin se référer au manque de loyauté de ces officiers
et d’un manque au devoir de réserve comme l’a fait le ministre de la défense
est l’affirmation d’un grave mépris des droits et devoirs des militaires. Il
déclare : « Chacun doit avoir la loyauté de mettre en œuvre les
décisions prises par le pouvoir élu par le peuple, car nous sommes en République ».
Or, le statut précise que « L’état militaire exige en toute circonstance
esprit de sacrifice, pouvant aller jusqu’au sacrifice suprême, discipline,
disponibilité, loyalisme et neutralité ». Le devoir de réserve s’exprime
donc en fonction de ces critères et le cas présent semble bien y correspondre. Les
propos sont neutres politiquement. Surtout, les militaires se sont engagés à
servir avec « loyalisme » les institutions et non avec loyauté.
Servir avec loyauté un gouvernement signifierait un attachement partisan alors que
les militaires servent l’intérêt général et à ce titre Ils ont certainement
quelque opinion à exprimer lorsque l’intérêt général paraît menacé dans le
domaine de la sécurité. Ce n’est pas une situation nouvelle dans l’histoire de
France. Le devoir de réserve est laissé à l’appréciation de chacun et est donc
subjectif en l’état. Devant une juridiction civile, cela sera sans aucun doute
pris en compte. Enfin soulignons que le terme "loyauté" n'est pas utilisé dans le statut général des militaires. seul le terme "loyalisme" l'est. Cela a sans doute une signification.