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Défense et République
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20 juin 2008

Quelle liberté d'expression pour les militaires au XXIe siècle?

Vive Surcouf !

Dans le Figaro du 18 juin 2008 (voir www.defense-et-republique.org, Propos sur la défense n°10), un groupe d'officiers généraux et supérieurs des trois armées, terre, air, mer , tenu à l'anonymat, a commenté le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale présenté le 17 juin par le président de la République. Pour répondre aux remarques et critiques formulées, Hervé Morin, ministre de la défense était interviewé dans le Figaro du 19 juin et invité sur Radio-Classique le vendredi 20 juin matin. Il y annonçait que des enquêtes seraient diligentées comme cela a été fait il y a trois semaines contre un auteur de fuites afin d’en « piquer un » et « le renvoyer à la garnison ».

Félicitons donc ces officiers généraux et supérieurs du groupe Surcouf. A l’évidence, le faire d’une manière anonyme était une sage précaution. Cependant la réaction ministérielle est grave.

Se référer au devoir de réserve comme l’a fait le ministre de la défense montre une certaine méconnaissance du nouveau statut des militaires. Depuis le 23 mars 2005, c’en est fini de la République d’antan sur la limitation du droit d’expression. Le ministre, surtout parce qu’il a fait partie de la commission de la défense nationale, doit aussi assumer la rupture jusqu’au bout. L’exercice des droits civils et politiques du statut général des militaires est précisé dans son article 4 « Les opinions ou croyances, notamment philosophiques, religieuses ou politiques, sont libres. Elles ne peuvent cependant être exprimées qu’en dehors du service et avec la réserve exigée par l’état militaire. Cette règle s’applique à tous les moyens d’expression. (…) Indépendamment des dispositions du code pénal relatives à la violation du secret de la défense nationale et du secret professionnel, les militaires doivent faire preuve de discrétion pour tous les faits, informations ou documents dont ils ont connaissance dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions. (…). Les militaires en activité qui se sont exprimés n’ont nullement violé le secret de la défense nationale ou fait preuve d’indiscrétion. Ils ont simplement fait connaître leur opinion en tant que citoyens et militaires. Les lois de la République s’appliquent à tous … y compris dans le respect de leurs droits. Que le ministre les ayant peut-être identifiés veuille les sanctionner, certes, mais il n’est pas douteux qu’un recours soit déposé et gagné. En revanche, nul doute que le jeu de l’avancement et des mutations sera autant de moyens détournés pour sanctionner ces officiers courageux d’une manière indirecte « pour le bien du service ». Espérons que la hiérarchie militaire et les parlementaires sauront contrer ces atteintes détournées à la liberté de s’exprimer.

Enfin se référer au manque de loyauté de ces officiers et d’un manque au devoir de réserve comme l’a fait le ministre de la défense est l’affirmation d’un grave mépris des droits et devoirs des militaires. Il déclare : « Chacun doit avoir la loyauté de mettre en œuvre les décisions prises par le pouvoir élu par le peuple, car nous sommes en République ». Or, le statut précise que « L’état militaire exige en toute circonstance esprit de sacrifice, pouvant aller jusqu’au sacrifice suprême, discipline, disponibilité, loyalisme et neutralité ». Le devoir de réserve s’exprime donc en fonction de ces critères et le cas présent semble bien y correspondre. Les propos sont neutres politiquement. Surtout, les militaires se sont engagés à servir avec « loyalisme » les institutions et non avec loyauté. Servir avec loyauté un gouvernement signifierait un attachement partisan alors que les militaires servent l’intérêt général et à ce titre Ils ont certainement quelque opinion à exprimer lorsque l’intérêt général paraît menacé dans le domaine de la sécurité. Ce n’est pas une situation nouvelle dans l’histoire de France. Le devoir de réserve est laissé à l’appréciation de chacun et est donc subjectif en l’état. Devant une juridiction civile, cela sera sans aucun doute pris en compte.  Enfin soulignons que le terme "loyauté" n'est pas utilisé dans le statut général des militaires. seul le terme "loyalisme" l'est. Cela a sans doute une signification.

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