Coup
sur coup, deux interlocuteurs ont abordé, avec moi et en privé, la question du développement
d'un nouvel antimilitarisme de droite dans notre pays. J'en fus très
surpris. Il s'agissait d'un jeune colonel plein d'avenir et d'un historien de
la chose militaire, pas vraiment de gauche tous les deux.
Beau
débat, que nous voulons simplement ouvrir ici. Il ne s'agit pas d'opposer l'UMP
au PS ou de savoir pour qui votent les militaires, mais d'avoir une réflexion,
disons, un peu intello. Ces réflexions n'engagent bien sûr que moi, qui ne
passe pas pour être très à gauche...
1)
Pendant longtemps, les choses semblaient simples. La droite aimait l'armée et
défendait les militaires. La gauche se méfiait d'eux et cultivait volontiers
l'antimilitarisme. Cette attitude date de la période 1848-1898, comme l'a très
bien montré le général André Bach, ancien patron du SHAT, dans son livre sur
l'armée de Dreyfus. Or, avant 1848,
l
2)
Les valeurs du libéralisme économique sont différentes des valeurs militaires.
D'un côté, l'individualisme, la recherche du profit immédiat et une certaine
"déterritorialisation". De l'autre, la cohésion du groupe, le don de
soi, l'enracinement dans des traditions. Or, aujourd'hui, les valeurs de la
droite sont essentiellement libérales. Elle divorce donc progressivement de ce
que représente l'armée.
3)
Les élites dirigeantes (politiques, économiques, culturelles, médiatiques) sont
plus éloignées que jamais du milieu militaire. Combien de dirigeants ont une
expérience sérieuse de l'armée? Ou un parent (père, frère, fils) qui a choisi
la carrière des armes ?
4)
Nicolas Sarkozy n'a jamais manifesté beaucoup d'intérêt personnel pour la chose
militaire. Il est en revanche plus marqué par sa longue fréquentation
(fascination?) de l'univers policier, dont la culture est très différente de
celle des armées.
5)
L'armée recrute ses hommes dans les milieux populaires et ses cadres "dans
la petite bourgeoisie de province et l'aristocratie désargentée", me
disait mon interlocuteur colonel. Pas dans la grande bourgeoisie, ni les
milieux d'argent.
6)
Les dirigeants politiques ont tendance à considérer l'armée et les
militaires comme un outil. Il s'agit là d'une vision quelque peu
dépréciative, qui oublie que l'armée est un corps social et une institution.
De tous ceux qui n'ont rien à dire, les plus agréables sont
ceux qui se taisent!