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Défense et République
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13 juin 2008

La défense sinistrée, sacrifiée ou dernier domaine possible pour exister internationalement ?

Dans l’angoisse et la désespérance, les armées sont dans l’attente du pire qui s’annonce plus catastrophique que prévu selon les rares rumeurs qui circulent. Les états-majors se taisent et préparent sans doute les éléments de langage pour faire accepter les décisions à venir.

En effet, la « bonne parole » sur le Livre blanc sera communiquée par une intervention de 45 minutes du président de la République le mardi 17 juin. Elle sera diffusée en direct à 11h00 du matin. Qui sera à cette grande réunion de la Porte de Versailles ? Il n’y a pas vraiment d’information. Ce qui est intéressant en revanche, c’est que cette action de communication se fera le jour de la grève de la fonction publique et selon J. Guisnel du Point en présence de 500 civils des autres ministères. On peut deviner les objectifs, d’abord montrer aux autres ministères qu’il y a au moins un ministère qui se réforme sans manifester, ensuite faire passer médiatiquement au second plan la grève des fonctionnaires à moins qu’ils ne s’invitent à la Porte de Versailles ?

L’instrumentalisation des militaires « bons élèves » se poursuit. Après tout, le président de la République l’a bien écrit : « En la matière, le ministère de la défense s'est toujours comporté de façon exemplaire. L'efficacité dont vous avez fait preuve pour conduire la professionnalisation en témoigne. Je vous fixe un nouvel objectif, celui de parachever la réforme de 1997 et d'adapter notre défense au XXIe siècle. (…) Je sais le sens de l'intérêt général et la discipline intellectuelle qui vous animent. Je sais la fierté que vous avez de servir votre pays » … au point d’accepter presque de disparaître comme acteur institutionnel ! Nous pouvons espérer que les militaires présents à la Porte de Versailles n’applaudiront pas aux propos du président de la République et qu’ils sauront garder un silence… réprobateur tout aussi exemplaire.

Nous pourrions espérer aussi que tous les chefs d’état-major d’armée démissionnent en bloc s’ils jugent que l’avenir des armées était menacé. Certes, et nous le savons, il y aura toujours des « petits camarades » prêts à prendre la place. Mais justement l’exemplarité est peut-être là, notamment vis-à-vis de leurs subordonnés. L’institution en serait néanmoins grandie surtout si les successeurs potentiels refusent aussi les postes. Que pourraient-ils faire de plus s’ils veulent être suivis ? et puis laisser dans le Monde et dans Valeurs Actuelles aux seuls officiers généraux en seconde section comme le général Thomann (merci mon général) le soin d‘exprimer l’avis général, cela peut-il durer encore longtemps alors que les forces armées ne cessent d’être sollicitées ?

Cependant, outre la lettre du 30 mai, cette semaine révèle un certain nombre d’informations en politique étrangère et dans le domaine de la défense qui peuvent éclairer ou faire évoluer la stratégie à long terme supposée de l’exécutif.

  • La Lettre      du 30 mai souligne d’une manière anodine que ce monde n’est « pas      nécessairement plus dangereux ». Si le président de la République      pense cela, mais qu’il envoie 700 hommes de plus en Afghanistan, des      équipes de plus en plus importantes de soldats français comme conseillers militaires      dans les forces afghanes tout en créant une base à Abou Dhabi, une clé      doit nous manquer.
  • La lettre spécifie aussi que « l'Europe de la défense doit affirmer ses ambitions ». (…)      Elle affirme « notre ambition pour      l'Union européenne comme notre place au sein de l'OTAN ». Or, la réunion bilatérale allemande de      ces jours-ci abordait la question de la défense. Une armée européenne      était évoquée (position soutenue par le ministre allemand des affaires      étrangères) dans les journaux (comme dans les cabinets socialistes avant      2002 en France avec une armée de terre d’environ 60 000 à 80 000 hommes au lieu de 138 000, on verra le 17 si      l’influence de l’ouverture va jusqu’à cela) et la France devrait avoir le soutien      de l’Allemagne pour compléter le texte sur la stratégie      européenne de sécurité adopté en 2003. Inquiétant !
  •  Aujourd'hui le vote négatif par référendum      (ce qui est justice lorsque l’on voit comment Nicolas Sarkozy a contourné      le vote populaire des Français contre le traité européen) de l’Irlande sur      le traité de Lisbonne remet en cause l’Europe et donc celle de la défense      sur laquelle la France voulait faire effort.
  • Reste donc      l’OTAN et notre réintégration à notre juste place. Problème, nous sommes      intéressants pour l’OTAN car nous sommes une puissance militaire aujourd'hui      et la question après le 17 juin sera pour combien de temps. Il ne suffit pas      de dire (et on dit beaucoup !) mais aussi de pouvoir. Ensuite, cette      place impose la mise en place de près de mille cadres officiers et sous-officiers.      Cela a un prix et il n’est pas certain que l’argent soit là puisqu’il faut      déflationner les effectifs pour préserver notre budget. La présidence de      la France est donc mal partie.
  • Si l’on      ajoute le scandale de l’invitation du président syrien au 14 juillet mais      aussi le refus de la Libye de l’Europe pour la Méditerranée malgré l’accueil      tout aussi scandaleux sur notre territoire, on peut douter du succès de la      politique étrangère de la France au moins en Méditerranée, sans oublier l’abandon      inéluctable de l’Afrique.

Il faut se demander s’il ne restera pas pour exister au président de la République le seul pré carré de l’intervention extérieure pour « défendre nos intérêts stratégiques, respecter nos alliances et assumer nos responsabilités internationales ». Il devrait donc faire attention à ne pas rendre impossible cette dernière liberté de manoeuvre par les réformes annoncées.

Loin du refus des réformes qui peuvent nécessaires pour certaines (mais cela fait plus de vingt ans que cela dure !), c’est la brutalité (mot à la mode) de la méthode qui peut susciter de fortes réactions négatives.

Sur le fond, c’est aussi le doute sur cette mise en oeuvre de cette réforme ou de cette … destruction programmée. Certes Nicolas Sarkozy affirme que « les économies dégagées seront intégralement réinvesties dans la défense, d'une part au profit de la condition du personnel, d'autre part dans la modernisation et le renouvellement de vos équipements. Le budget de la défense ne baissera pas ». Combien coûteront les déménagements ou les fermetures de quelque 360 sites, même sur six ans, la construction d’un pentagone à la française ? Comment peut-on vraiment croire que l’argent sera disponible et donc que la condition militaire sera améliorée ?

Et pour clore, comment réagir lorsque l’on apprend par le blog de JD Merchet que la protection du ministère de la défense sera donnée à une société privée ? Effectivement, il n’y a plus de raison que les gendarmes détachés au ministère de l’intérieur à compter de 2009 protègent le ministère de la défense. Mais donner à des civils la mission de protéger le ministère de la défense, où allons-nous ? Vont-ils avoir des armes ? On ne sait jamais si des militaires voulaient s’échapper de la rue Saint Dominique… Et si l’on prend la même source, il n’y a plus d’argent pour les armées mais la présidence envisage d’acquérir un avion présidentiel plus performant, bien sûr pilotée par des militaires alors que l’arrivée de l’avion Airbus 400M sera reportée. Les militaires seront encore dans des « bétaillères » ou « transall » vieux de quelque 40 ans. Nous n’avons vraiment pas les mêmes valeurs.

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